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... cinéma d’ici et d’ailleurs ...
Combalimon, Dernière saison
De Raphael MATHIE, 2007, 80’

Jean est au crépuscule de sa vie. Fatigué, seul et sans descendance, il doit se résoudre à vendre ses quelques vaches et songer à la transmission pour sauver sa ferme "Combalimon". Une étape délicate, une perspective vertigineuse...

Thème local d’actualité. Jean a fait le déplacement pour la projection, pourtant à l’autre bout du département.

Propos du réalisateur

A bientôt soixante-dix ans, fils unique sans descendance, Jean Barrès vit seul à Combalimon, la ferme de ses aïeux.

Son attachement à cette terre lui fait supporter sans broncher l’âpreté du quotidien. Mais ses forces déclinent et il lui faudrait vendre.

Pour l’homme, l’étape est délicate et la perspective vertigineuse. « Maintenant, vous pouvez passer chez moi et si vous voulez, on fait un film sur une ferme qui se meurt ».

Laisser une trace de son humanité, voilà ce qui, je crois, a poussé Jean Barrès à formuler cette demande, lors d’une projection de mon précédent film, chez lui, dans le Cantal.

Travailler seul me semblait nécessaire pour respecter son intimité, sonder sa solitude, éprouver la respiration des lieux… tout comme me paraissait évident le dispositif du cadre fixe pour interroger l’immuabilité de son monde et saisir son temps : un temps autre, plus archaïque, plus universel, qui et celui du nuage qui passe, de la nature impassible.


Critique cinéma:D’une fraîcheur incomparable.

Notre cinéma n’a toujours eu de cesse de rendre hommage à ses terres et à ses nombreuses régions qui font le charme mais aussi la force de ce beau pays qu’est la France.

Aujourd’hui, c’est au tour du réalisateur Raphaël Mathié d’apporter un nouveau regard sur le sujet, et ce, par la voie du documentaire. Pour cela, il a choisi de poser sa caméra à Combalimon, un lieu-dit situé en plein coeur du Cantal. Alors installez-vous confortablement, sortez vos pantoufles, et venez respirer un air pur à travers cette Dernière saison d’une fraîcheur incomparable.

La force principale de ce film repose sur le choix d’une "peinture" réelle. Aucune caricature n’est présentée. Dernière Saison dépeint le portrait d’un homme littéralement mis à nu dans son quotidien, son travail, ses joies, et ses peines.

Le début résume d’ailleurs parfaitement cet ensemble, en montrant la naissance d’un petit veau. Dès cet instant, et jusqu’à la dernière image du film, le protagoniste, Jean Barrès, se révèle d’une humanité rare, à vous emplir les yeux de larmes.

Il nous touche en fait par son innocence. Sa raison de vivre repose essentiellement sur l’amour qu’il porte envers la terre en général, mais aussi sur le devenir de son seul et unique bien : sa ferme. Il est prêt à tout pour la sauver de l’abandon.

Si le film ne se termine pas par une touche véritablement optimiste, il délivre néanmoins dans sa globalité un message basé sur l’espoir, celui d’un homme qui semble prêt à se battre jusqu’au bout, malgré son âge, sans lâcher prise, et quel que soit le sujet.

Il refuse par exemple de vendre ses vaches en-dessous d’un certain prix ; il réussit également à tenir tête à une jeune fille, encore en formation, et qui désire lui succéder tout en se spécialisant dans la conception de fromages frais. Rongé par la solitude, il continue pourtant à "s’enfermer", sans se rendre compte des conséquences, surtout vis-à-vis de lui-même.

En somme, il représente un personnage d’une grande complexité, auquel le cinéma se devait de s’y intéresser. Nous ne pouvons d’ailleurs y rester longtemps insensibles.

Le film de Raphaël Mathié arrive malheureusement un peu tard et ressasse bon nombre de thèmes récemment évoqués au sein d’un contexte plus ou moins similaire.

Ainsi, la confrontation de Jean avec cette étudiante n’est pas sans rappeler celle filmée par Christian Carion, entre Michel Serrault et Mathilde Seigner, dans son film intitulé Une hirondelle a fait le Printemps.

Or, ce documentaire n’apporte pas sur ce thème précis de réelles nouveautés, alors qu’à la base, le conflit, aussi bien générationnel qu’idéologique, s’avérait être des plus intéressants.

En outre, à l’image d’Isabelle Mergault et de son premier long-métrage, Je vous trouve très beau, le cinéaste évoque ici le sujet des "petites annonces" en milieu rural, une expérience semble-t-il douloureuse pour Jean, qui sort tout juste d’un mariage "arrangé", grâce auquel il espérait vaincre la solitude et gérer la succession de sa propriété. En vain. Malgré ces redites, le témoignage de cet homme apporte une vérité et une émotion inégalables, permettant ainsi au film de se détacher de ses nombreux "aînés".

Artistiquement parlant, l’œuvre se révèle d’une beauté surprenante. Parfois trop. La mise en scène et le travail sur la lumière donnent de temps à autre la sensation de se trouver face à un véritable tableau.

L’utilisation continue du plan fixe en est d’ailleurs une confirmation. Mais alors pourquoi une telle esthétique ? Sans remettre en cause le résultat, certains effets utilisés se rapportent généralement plus à la fiction et leur présence ici risque de choquer le spectateur, de l’amener au delà de la réalité.

Cette "exagération", présente dans des plans de coupe, d’une longueur interminable et centrés sur la nature environnante (un arbre, la lune...), détruit les objectifs principaux de ce que doit être un vrai documentaire, celui de retranscrire à travers une image, et le plus fidèlement possible, la Vie.

Mais ces nombreuses pauses provoquent au contraire un aspect "cinématographique" beaucoup trop soutenu. De ce fait, l’émotion acquise quelques instants auparavant s’évapore, et il nous faut attendre le retour du personnage principal pour se laisser à nouveau entraîner par cette "histoire vraie". Ces légers moments d’égarement de la part du cinéaste sont néanmoins très vite sauvés par le sujet et le témoignage transmis.

Dernière saison a reçu le Prix du Regard social lors des 17èmes rencontres Traces de Vies de Clermont-Ferrand, celui du meilleur documentaire francophone à Altermedia Songes d’une nuit DV à Paris ainsi que le Prix spécial du jury au Festival international de Seattle. Il a également été nominé au Festival International du Film Documentaire d’Amsterdam, puis en France, par la Sélection ACID Cannes 2007, par les Etats généraux du film documentaire à Lussas, au Festival International du Film d’Environnement de Paris, aux Rencontres du cinéma français de Pau et au Festival Entrevue de Belfort.


Le réalisateur

 Dernière Saison (Combalimon) (2008), de Raphaël Mathié
 Terres amères (2004), de Romuald Vuillemin, Raphaël Mathié


Production/ Diffusion : Luna Production